Par Linda Gardelle, sociologue, dont les travaux portent en particulier sur les questions du pastoralisme nomade en Mongolie et dans le Sahara.
La particularité de la Mongolie est d’être un pays marqué par un héritage de pastoralisme nomade indissociable de son histoire, de son économie et de sa culture. Elle a été le berceau des fameux « empires des steppes » qui se sont succédés dans cette région du monde depuis le IIIe siècle avant notre ère. Le plus célèbre et le plus grand de ces empires reste celui de Gengis-khan et de ses descendants qui, au XIIIe siècle, domina une grande partie du continent. Cette époque reste dans les mémoires mongoles une période clé car elle a marqué la naissance de la nation mongole et la période la plus prestigieuse de son épanouissement.
Dans la Mongolie d’aujourd’hui, les familles d’éleveurs nomades représentent plus de 30% des familles mongoles, c’est-à-dire près de 190 000 foyers, et l’élevage reste un secteur économique clé de la Mongolie avec une participation estimée à 30% à la production mongole et à plus de 80% de la production agricole. L’élevage peut donc être considéré comme un secteur stratégique pour le développement de la Mongolie. Il est d’ailleurs inscrit dans la Constitution mongole que « le bétail est une richesse de la nation et doit être protégé par le gouvernement ».
Les familles d’éleveurs se déplacent en moyenne quatre fois par an, avec leurs troupeaux de moutons, chèvres, vaches, yacks, chameaux et chevaux. Mais l’intensité et la durée des ces déplacements transhumants augmentent dans les zones les plus arides, comme celles du Gobi au sud, où les pâtures sont clairsemées et fragiles.
Le nomadisme permet aux éleveurs mongols d’assurer une exploitation minutieuse de milieux naturels défavorables où les ressources sont faibles et le climat aride et capricieux. Ce genre de vie et ce mode de production permettent de faire face avec efficacité aux risques les plus courants par une mobilité permanente, marquée par la quête incessante de points d’eau et des nouveaux pâturages. Cette mobilité a permis aux Mongols de forger au fil des siècles une certaine maîtrise de leur territoire. Mais il est aussi incontestablement un mode de vie en exposition directe aux risques et les aléas climatiques, et principalement les sécheresses lorsqu’elles se prolongent, peuvent anéantir un troupeau et le groupe familial qui le possède.
Les déplacements des éleveurs se font librement, par concertation entre éleveurs, mais les emplacements de certains campements, d’hiver et de printemps notamment, sont signalés aux autorités locales. En Mongolie, la terre appartient à chacun. Une loi sur la privatisation des terres a été votée en 2002 mais ne concerne que les zones urbaines et minières. La simple évocation de la privatisation des pâturages, et donc de l’essentiel des steppes mongoles, avait provoqué un véritable tollé. Certains la préconisent à voix basse, y voyant un frein aux problèmes de surpâturage vécus dans les régions péri-urbaines. Mais elle n’est pas envisageable pour l’instant. La steppe continue d’appartenir à tous les Mongols.