par le Docteur Chantal NOVEL
Durant mon séjour à Oulan-Bator, Dastan et sa famille m’ont hébergée. J’ai apprécié la fameuse hospitalité mongole et je les remercie chaleureusement.
Merci aussi à Nasa, ma traductrice qui a plongé avec le sourire dans le grand bain de l’ophtalmologie.
Les ophtalmologistes de l’Hôpital des Chemins de Fer sont heureux de me revoir. Le matériel installé par Actions Mongolie les années précédentes est en bon état.
Cependant l’ampoule de la lampe à fente (élément de base de l’ophtalmologie) a grillé. Impossible d’en trouver en Mongolie. Depuis un mois les consultations se font difficilement et la pression intra-oculaire ne peut plus être mesurée. Informé de ce problème, René a acheté des ampoules que j’apporte. Et la lumière fut...
Cela parait surprenant mais cette situation est fréquente en Mongolie (cf infra). Faute de pouvoir acheter les consommables, le matériel devient inutilisable. Le fait d’assurer le suivi du matériel et des équipes formées sur place est donc très important dans les projets notre association.
Trois ophtalmologistes travaillent en ce moment dans cet hôpital : les Docteurs Urga, Bayra et le Dr Tsegue qui vient d’arriver. Elle remplace pour six mois le Dr Sukhee en disponibilité. Le Dr Sukhee viendra tout de même travailler avec nous durant 2 jours.
Les consultations s’enchainent, ponctuées de formations théoriques à partir des cas cliniques examinés.
Le Dr Tsegue était ophtalmologiste à Khovd, ville principale d’une province de l’Ouest de la Mongolie. Elle trouve que l’Hôpital des Chemins de Fer est un « paradis » pour ophtalmologiste car il dispose de bon matériel. Elle apprécie tout particulièrement la formation pratique et théorique même sur des sujets très simples comme l’utilisation de la lampe à fente pour les différentes situations cliniques, les techniques d’examen des petits enfants, l’examen du fond d’oeil au verre à trois miroirs.
L’engagement des médecins mongols est sérieux : prise de notes, longues journées de travail, travail personnel le soir pour me poser des questions complémentaires le lendemain.
L’OCT (Optical Coherence Tomography) permet de faire une imagerie du fond d’oeil avec des coupes fines de la rétine et du nerf optique. L’appareil est très cher et il n’y en a que deux en Mongolie.
Les médecins de l’Hôpital des Chemins de Fer m’ont demandé de leur apprendre à interpréter les comptes-rendus de cet examen afin de mieux prendre en charge leurs patients compliqués. La formation a aussi porté sur la DMLA, ses traitements possibles en France et en Mongolie.
Notre engagement aux cotés des médecins de l’Hôpital des Chemins de Fer porte ses fruits : la direction de l’hôpital a fait des efforts pour équiper le service d’ophtalmologie et pour recruter un troisième ophtalmologiste. Un appareil à champ visuel a été acheté l’an dernier.
Cette année l’hôpital envoie en Inde le Dr Bayra pour se former à l’opération de la cataracte. En 2014 le Dr Urga ira en Russie se former à l’opération du glaucome.
J’ai rendu visite à Mme le Professeur Altankhuu, chef du service d’ophtalmologie de l’Hôpital Mère-Enfant. Elle a besoin de notre aide pour du matériel adapté à l’ophtalmologie pédiatrique : tonomètre portable, réfractomètre portable.
Tout était organisé pour que j’aille faire de la formation à Tsetserleg mais l’ophtalmologiste a eu des problèmes familiaux et la mission a été annulée au dernier moment. Nous y avons installé du matériel il y a deux ans, et là encore une ampoule était grillée. J’ai fait parvenir une ampoule neuve via une personne travaillant à l’hôpital de Tsetserleg, et aussi un cône de tonomètre et de grosses piles pour l’ophtalmoscope.
Il s’agit d’une mission exploratoire. Un ami de Dastan a créé la fondation Jargal Saikhan en souvenir de son père, pour soutenir le développement du sport et de la santé dans cette région de l’Est de la Mongolie.
Cette fondation désire notre aide en ophtalmologie afin d’aider le Dr Nara, ophtalmologiste de l’hôpital. Je suis donc allée la voir pour faire le point sur son matériel et ses motivations. J’ai été reçue par l’équipe dirigeante de l’hôpital.
L’hôpital souffre des difficultés de communications : depuis Oulan-Bator il y a 550 km dont une bonne partie en piste, soit 9 h de route, pas de liaison aérienne. La route goudronnée devrait être terminée l’an prochain, facilitant les échanges.
Un système de télémédecine est en place grâce à la banque Asiatique de développement. Cependant des appareils médicaux indispensables sont en panne sans possibilité de SAV : électrocardiogramme, autoclave.
Le Dr Nara travaille comme ophtalmologiste depuis 16 ans à Baruun-Urt et examine entre 30 et 40 patients par jour. Les pathologies sont variées : lésions de la cornée dues au climat, glaucomes aigus et chroniques, ptérygions, cataractes, traumatismes, prescription de lunettes.
Son matériel est limité : lampe à fente (LAF) japonaise ancienne et dont l’ampoule a grillé. Pour la remplacer elle a fixé une petite ampoule halogène sur le socle de l’ancienne ampoule de sa LAF. Ces médecins font preuve de trésors d’ingéniosité pour pouvoir continuer à travailler.
Elle n’a pas de tonomètre et de ce fait les diagnostics de glaucome sont posés trop tardivement lors de l’apparition de lésions irréversibles. Je lui donne un verre à trois miroirs pour examiner la rétine et l’angle irido-cornéen.
Elle n’a pas non plus de microscope opératoire, pas de rétinoscope, ni réfractomètre.
Comme beaucoup de médecins mongols, c’est elle qui achète sur ses deniers les consommables : collyres d’examens, ampoules, batteries..
Son rêve c’est de pouvoir prendre en charge de A à Z les patients de sa région : faire le bon diagnostic, instaurer le traitement et opérer si nécessaire.
Nous prévoyons donc d’équiper le service d’ophtalmologie d’une Lampe à Fente avec tonomètre, le tout sur table élévatrice puis d’un microscope opératoire. Il manque aussi des éléments simples mais qui facilitent le déroulement de la consultation : tabourets réglables en hauteur, tabourets à roulettes…
La direction de l’hôpital est d’accord pour s’occuper du dédouanement du matériel, de son entretien, ainsi que de la mise à disposition d’un onduleur pour protéger les appareils médicaux.
Le suivi des sites équipés est tout à fait indispensable pour vérifier l’état du matériel et faire de la formation continue : c’est vraiment notre credo.
Sur place les médecins nous en sont reconnaissants, ils se sentent soutenus dans la durée.
Nous allons équiper un nouveau site à l’Est de la Mongolie mais aussi essayer d’avoir des fonds pour acheter du matériel pour l’Hôpital Mère-Enfant.